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Rome, ville thermale

Si les techniques de saponification (la réaction chimique qui permet la fabrication du savon) sont connues depuis 3 500 avant Jésus-Christ en Mésopotamie, les Grecs de l’Antiquité préféraient se laver avec un mélange d’eau et de sable. Les huiles, parfumées ou non, étaient aussi très utilisées : les lutteurs s’en enduisaient le corps pour échapper aux prises de l’adversaire, mais c’était aussi – et avant tout – une routine de toilette. Plus tard, les Romains utilisèrent également un mélange d’huile et de cendres, un « proto-savon » qu’ils raclaient ensuite avec une sorte de grattoir appelé strigile.

« Mais les Romains étaient avant tout très friands de bains et de l’eau en général. La maîtrise de l’eau est capitale dans le monde romain, c’est la marque de la civilisation : pas de ville romaine sans thermes et égouts !, explique Olivier Coquard. Les villas romaines sont connues pour leur système hydraulique sophistiqué : bassins, eau courante chaude et froide, système de vapeur… Il y avait donc déjà des salles de bain chez les Romains les plus riches – et en particulier à la campagne – avec des lavabos, des robinets, des baignoires et tout un système de tuyauterie en plomb et en terre cuite. » En ville, tout le monde, riches notables comme gens du peuple, se rend régulièrement aux thermes publics souvent gratuits pour tous.

De vieux bains

Au Moyen Âge, le spectre des épidémies

À la fin de l’Antiquité, les choses commencent à changer dans ce qui n’est pas encore la France. Le génie hydraulique des Romains disparaît peu à peu. Des étuves publiques, sous forme de bains de vapeur ou de baquets remplis d’eau chaude, subsistent néanmoins à Paris et dans les grandes villes. Hommes et femmes les fréquentent de façon hebdomadaire… ou presque. Mais aucun gentilhomme ne peut plus se glorifier de disposer de bains privés dans sa demeure : l’heure est aux bâtisses austères et au confort gothique. 

Parallèlement, le rapport au corps change : la vision chrétienne s’impose peu à peu, et la recherche de pureté se concentre sur l’âme. La toilette humide se raréfie alors pour laisser place à une hygiène plus spirituelle. D’autant que l’absence d’égouts et de salubrité en général entraîne de terribles épidémies, qui finissent par susciter une grande méfiance vis-à-vis de l’eau. Si bien qu’à la fin du Moyen Âge, on l’évite « comme la peste » ! Les étuves sont désertées, c’est la fin de la toilette humide.

À Versailles, l’Ancien régime sec

Ce n’est qu’au XVIe siècle, avec la Renaissance et la redécouverte de l’Antiquité, qu’on commence à voir réapparaître les techniques de plomberie, et qu’on reprend peu à peu l’habitude de se laver à l’eau. Mais pas trop quand même : la « toilette sèche » reste la norme.
« On reste sur une toilette occasionnelle prise dans un cabinet privé sans eau courante. À Versailles, la propreté, c’est avant tout se parfumer pour camoufler les odeurs et porter des vêtements propres. D’ailleurs on se change plusieurs fois par jour ! Cela suffit à se distinguer du peuple qu’on considère comme sale. Évidemment, pour nos standards d’aujourd’hui, ça semble tout à fait insuffisant… Mais chaque époque a ses représentations de la propreté », relativise Olivier Coquard.

« Pourtant, dès le début du XVIIe siècle, on commence à industrialiser la fabrication du savon – notamment à Marseille – à partir des matières premières issues des colonies. Mais il faut attendre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, pour que l’idée d’hygiène au sens où on l’entend aujourd’hui commence à faire son chemin. »

Au XIXe siècle, eau de rose et santé publique

C’est en effet à cette période que l’eau courante et les égouts font leur réapparition en ville. « Et bien sûr, les découvertes de Pasteur vont tout changer : l’hygiène en tant que telle devient une obsession. Elle est pratiquée à la maison et elle est très vite enseignée à l’école. » Se laver les mains plusieurs fois par jour devient un réflexe chez une grande partie de la population même modeste.

Ce souci d’hygiène permet bien sûr des progrès immenses en matière de santé publique, et il va signer le grand retour des salles de bain dans les logements. L’haussmannisation de Paris voit les appartements bourgeois, mais aussi ceux de la classe moyenne, s’équiper de salles d’eau, même si ce sont encore des systèmes simples de vasque combinée à un robinet et à un système d’évacuation. L’utilisation des cosmétiques – savons, lotions, parfums, poudres, eaux de Cologne – se développe à grande vitesse grâce à l’industrialisation qui bat son plein.
 

Une salle de bain moderne

Les temps modernes : des HLM aux robinets connectés

C’est dans les années 1930 qu’on voit apparaître les premières salles de bain telles qu’on les connaît aujourd’hui, mais c’est après la Seconde Guerre mondiale qu’elles se généralisent en ville grâce à la baisse du prix des matériaux. Les grands ensembles HLM construits en masse dans les années 1960 et 1970 sont systématiquement équipés d’une salle de bain tout confort : pour les habitants des campagnes en plein exode rural, c’est un luxe jamais vu à portée de main…

« À partir de là, tout le monde a une salle de bain chez soi, avec assez peu d’évolution dans les années qui suivent. Mais récemment, la domotique et les nouvelles technologies ont fait entrer la salle de bain dans une nouvelle ère de la connexion, analyse Olivier Coquard. On peut régler le chauffage à distance, choisir la température de l’eau au demi-degré près, les variateurs lumineux… La salle de bain redevient le lieu de progrès et de sophistication – et le marqueur social – qu’elle était au temps des Romains. »


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Merci à Olivier Coquard, historien et professeur de chaire supérieure au lycée Henri-IV, auteur des ouvrages Quand le monde a basculé - Nouvelle histoire de la Révolution française (Éditions Tallandier), et Tuer le pouvoir (à paraître début 2019 chez First).
 

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